Mineurs et Soins

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Ce guide a pour objet d’accompagner la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Ce texte implique des modifi cations importantes, notamment parce qu’il crée dans chaque département une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des situations de danger ou de risques de danger pour l’enfant et l’adolescent, et parce qu’il détermine les règles du partage d’informations entre professionnels.
 

Ce rapport fait le point sur :

  • le signalement
  • la définition de l'information préoccupante
  • le rôle de La cellule départementale de recueil et d'évaluation de l'information préoccupante (CRIP)
  • le signalement, l'information préoccupante et le secret médical
  • les références légales et réglementaires

 ASPECTS JURIDIQUES ET DEONTOLOGIQUE

Commission éthique et déontologie de l’Ordre des médecins de Côte d’Or

   

Le statut des mineurs a été modifié récemment par plusieurs articles de loi :

-Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale

-Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative au droit des malades

-Loi n°2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’IVG, la contraception et la stérilisation.

Ces réformes viennent accorder une plus grande autonomie et responsabilité aux mineurs notamment dans le domaine de la santé.

Elles prévoient le droit pour le mineur d’opposer le secret médical à ses parents.

Ces modifications tiennent compte des évolutions sociales et de l’harmonisation de nos législations avec celles des autres pays d’Europe où les mineurs bénéficient d’une plus grande autonomie.

Avant d’étudier ces nouveaux textes et de les commenter, il paraît opportun de rappeler ce que dit le Code de Déontologie à ce sujet.

Article 42 : des soins aux mineurs

« Un médecin appelé à donner des soins à un mineur doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement.

En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent pas être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.

Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte, dans toute la mesure du possible. »

Article 43 de la défense de l’intérêt des enfants

« Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris et mal préservé par son entourage. »

 

Commentaire :

Ces articles énoncent de manière simple et claire, quels sont les devoirs d’un médecin ayant à donner des soins à un mineur.

Il faut noter qu’ils donnent au médecin une responsabilité morale tant vis à vis des parents -« s’efforcer de prévenir les parents et d’obtenir leur consentement »- que vis à vis de l’enfant -« être le défenseur de l’enfant »- qui l’invite à dépasser en tant que thérapeute sa simple intervention technique.

Dans ces situations délicates où -« l’intérêt de l’enfant est mal compris et mal préservé par son entourage »- le médecin pourra demander l’intervention du ministère public. Nous envisagerons plus loin ces situations et leur cadre réglementaire.

LES NOUVEAUX TEXTES DE LOI

Ils apportent des changements et suscitent nos commentaires dans les sujets suivants :

1°) L’autorité parentale

 

Article 371-1 modifié par la loi du 4 mars 2002

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant  pour le protéger  dans sa sécurité, sa santé et sa moralité et pour assurer son éducation, et permettre son développement dans le respect dû à sa personne.

Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concerne, selon son âge et son degré de maturité ».

 

Commentaire : 

Le législateur a introduit dans cet article de loi la notion que la finalité de l’autorité parentale est l’intérêt de l’enfant et non pas celui des parents.

Comme le médecin dans le Code de déontologie, les parents doivent associer le mineur aux décisions qui le concerne.

Les précisions introduites par ces articles représentent incontestablement un progrès pour les respect de l’enfant et de son intérêt quand il est mal compris ou ignoré voir bafoué par son entourage.

2°)Le droit à l’information des mineurs

 

L’Art. L. 1111-2 du Code de Santé modifié par la loi du 4 mars 2002 relative à l’information des usagers et à l’expression de leur volonté.

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé…

Seules, l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent en dispenser le professionnel…

La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle sont exercés selon les cas par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent articlesous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5 (cf. plus loin).

 Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée à leur degré de maturité s’agissant des mineurs soit à leur faculté de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle…. »

Article L. 1111-7

« Sous réserve de l’opposition prévue à l’article L.1111-5, dans le cas d’une personne mineure, le droit d’accès à l’ensemble des informations concernant sa santé est exercé par le ou les titulaires de l’autorité parentale. A la demande du mineur, cet accès a lieu par l’intermédiaire d’un médecin. »

Commentaire :

Dans le cadre de l’accès au dossier médical, le décret d’application n°2002-637 du 29 avril 2002 précise qu’avant toute communication, le destinataire de la demande doit s’assurer de l’identité du demandeur. Il peut lui demander de justifier de sa qualité de titulaire de l’autorité parentale et il doit s’assurer que le mineur ne s’est pas opposé à la communication de son dossier.

                                            

3°)Le consentement aux soins des mineurs

 

Article L. 1111-4

« Le consentement du mineur …est systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.

Dans le cas où le refus d’un traitement par le titulaire de l’autorité parentale risque d’entraîner des conséquencesgraves pour la santé du mineur… le médecin délivre les soins indispensables. »

 

Commentaire 

La loi ne prévoit aucun seuil d’âge. Tout repose sur l’appréciation de cette aptitude qui serait la faculté de donner un consentement libre et éclairé.

Il est de la responsabilité du médecin de faire comprendre aux parents et à l’enfant quel est l’intérêt de ce dernier dans le problème de santé qui le concerne.

En cas de désaccord entre le représentant de l’autorité parentale et le médecin, le médecin se trouve en fait dans une situation très délicate qui pourra l’amener à demander l’intervention du procureur ou juge pour enfant, qui peuvent être saisis dans l’urgence.

Par contre, rien n’est dit en cas de refus de soins d’un mineur jugé apte contre l’avis du médecin et de ses parents. . .

Faut-il  saisir le juge pour enfants au nom de la protection du mineur en danger ?          

4°)Le droit du mineur d’opposer le secret médical à ses parents

 

L’ArticleL.1111-5 du Code de Santé Publique modifié par la loi du 4 mars 2002 : droit d’opposer le secret médical à ses parents

« Par dérogation à l’article 371-2 du Code Civil, le médecin peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque le traitement s’impose pour sauvegarder la santé d’un mineur, dans le cas où ce dernier s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé.

Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation.

Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l’intervention.

Dans ce cas le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix.

Lorsqu’une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi n°99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis.

 

 

Commentaire :

Cette circonspection à l’égard des titulaires de l’autorité parentale se comprend en cas de difficultés familiales graves, inceste, toxicomanie, violences, etc. . . On veut inciter les mineurs à se confier aux praticiens et à recourir au système de santé, dans un contexte de protection à leur égard, plutôt que de les laisser s’isoler. Il s’agit de mesures protectrices du mineur à travers le secret médical. On doit malheureusement constater que les mauvais traitements sont le plus souvent commis par l’entourage proche des enfants et des jeunes qui en sont victimes.

Une certaine circonspection s’impose également en ce qui concerne « la personne majeure de son choix ». Il faut s’assurer que le mineur n’est pas sous l’influence de la personne choisie, qui peut l’abuser dans ses choix.

Il existait déjà deux situations dans lesquelles le mineur qui demande le secret vis à vis de ses parents ou de son représentant légal peut recevoir des soins sans leur consentement : il s’agit de l’IVG et de la contraception ( loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001). Dans la loi sur l’IVG il existe un entretien obligatoire au cours duquel  le mineur doit être conseillé sur le choix de l’adulte qui l’accompagne.

Le secret vis à vis des parents ne doit être envisagée que comme un mesure passagère imposée par les conditions du moment  mais dans la perspective d’un accompagnement à long terme du jeune, permettant d’aboutir au  rétablissement de la communication avec sa famille.

 

REFLEXIONS

Les nouvelles dispositions contenues dans la loi du 4 mars 2002 ne peuvent qu’interroger la réflexion éthique des praticiens.

La reconnaissance du mineur comme une personne à part entière représente une avancée indéniable. Il n’est plus un objet mais bien une personne, désormais libérée de l’autorité absolue de ses parents, en particulier dans le domaine de la santé

Cependant, on peut s’interroger :

-          Ces dispositions ne risquent-elles pas de constituer une nouvelle atteinte à l’autorité parentale déjà tellement défaillante dans notre société ?

-          Ne risquent-elles pas d’être une source de complications et de détérioration des relations entre médecins, enfants et parents, voir d’obstacle aux décisions importantes ?

-          L’instauration de secrets dans les familles ne peut-il pas faire craindre qu’ils ne soient responsables de dégâts plus graves encore que ceux qu’on aura cherché à éviter dans un premier temps ?

En réalité, en même temps qu’elle accorde aux mineurs une plus grande autonomie et responsabilité, cette loi place le médecin face à une responsabilité morale très lourde tant vis à vis des parents que vis à vis du mineur.

Le médecin aura déjà à apprécier non seulement la situation et sa gravité, mais aussi l’aptitude du mineur à donner son consentement, et/ou les raisons le conduisant à demander le secret.

Tout en cherchant à protéger l’intérêt de l’enfant, il devra veiller à ne pas renforcer l’opposition entre parents et enfants et à ne pas occuper une position de juge ou de rival vis à vis des parents, mais il devra plutôt aider les uns et les autres à comprendre l’origine du dysfonctionnement de la cellule familiale et à le dépasser si c’est possible.

Ainsi, la manière dont le médecin, en se posant en défenseur de l’enfant, comme l’y invite le Code de Déontologie, se positionnera aussi vis à vis des parents, sera déterminante dans l’évolution de la situation, voire la résolution de la crise.

Face à ces responsabilités, le médecin devra agir avec beaucoup de prudence, de tact et de réflexion, même dans l’urgence, encore plus dans l’urgence. Il sera avisé de s’entourer de l’avis de personnes compétentes, entre autres, médecin du Service de PMI, pédopsychiatres, juges pour enfants, dans sa prise de décision.